Coût social et environnemental de Bitcoin, une attaque médiatique synchronisée

Bitcoin, bouc émissaire d’un cataclysme écologique ? Les médias du monde occidental mettent en lumière, et de façon parfaitement synchronisée, une étude publiée dans le célèbre Scientific Reports. Cette dernière met en relation le prix du bitcoin (BTC) et son coût énergétique.

Bitcoin, énergie, prix et climat

La dernière étude du Cambridge Center for Alternative Finance (CCAF) tente de quantifier les émissions mondiales de dioxyde de carbone (et autres gaz à effet de serre) dues aux mineurs de Bitcoin. Selon les chercheurs, elles représenterait environ 0,1% du total.

Voilà qui devrait permettre de relativiser la nocivité du réseau. En effet, pour les détracteurs de Bitcoin, son coût énergétique, et donc par extension son impact environnemental, est l’un des principaux arguments justifiant son interdiction.

Cependant, l’empire contre-attaque ! Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature attaque en retour le roi des cryptomonnaies sur le même terrain.

Tentons de saisir la substance du rapport de 10 pages de Scientific Reports, réalisé par 3 économistes :

Benjamin A. Jones, professeur associé au Département d’économie de l’Université du Nouveau Mexique ;Andrew Goodkind, assistant professeur au sein de la même université ;Robert P. Berrens, également professeur d’économie à l’UNM.

Le fait que nos trois professeurs soient spécialisés en économie, et non en physique, en énergétique ou en thermodynamique devrait faire redoubler d’attention le lecteur ayant le courage de parcourir leur papier.

Prix du bitcoin et énergie

Les premières données publiées mettent en relation l’évolution du prix du BTC (de 2016 à 2021) avec la quantité d’électricité nécessaire au maintien et à la sécurisation du réseau. Cette dernière y est exprimée en MWh/BTC. Elle est estimée en fonction du taux de hachage du réseau et de l’efficience du matériel de minage.

Quelle surprise ! Au fur et à mesure de l’adoption du bitcoin, son prix augmente et son coût énergétique également.

Évolution du prix du Bitcoin et de sa consommation électrique entre 2016 et 2021

Pour l’instant, rien de nouveau sous le soleil. Ces données sont ensuite utilisées pour évaluer l’impact environnemental de cette consommation électrique. Elles sont combinées avec le chiffre avancé par l’Université de Cambridge, selon laquelle 39 % de l’électricité utilisée par le réseau Bitcoin proviendrait d’énergies dites « renouvelables« .

Par déduction, 61 % de l’énergie nécessaire au minage par preuve de travail serait donc « sale », car responsable d’émissions de dioxyde de carbone (désormais unique responsable des problèmes environnementaux).

Dommages climatiques et dollars

Puisque l’inflation monétaire des bitcoins diminue au cours du temps, et que sa difficulté (et donc son coût énergétique) augmentent, la quantité de CO2 émise par BTC augmente. Ici encore, c’est parfaitement logique. Les émissions de CO2 représentent les dommages climatiques causés par Bitcoin et sont exprimés en dollars.

Le dernier graphique représente les « dommages climatiques » de Bitcoin comme pourcentage de son prix. Cette notion est intéressante. Comment quantifier en dollars les « dommages climatiques » ?

Le rapport se base sur le coût social du carbone (SSC). Il s’agit d’une estimation des coûts économiques marginaux correspondant à l’émission d’une tonne de CO2. Elle fut réalisée par le Brookings Papers on Economic Activity (BPEA). Le BPEA justifie mathématiquement cette valeur par toute une série d’équations complexes aux variables arbitraires.

Les méthodes de calcul et d’évaluation des différentes variables ont été largement critiquées dans le monde scientifique. En effet, ces calculs sont généralement l’œuvre d’entités privées aux conflits d’intérêts troubles. Les données varient au cours du temps et des lobbys les utilisant à des fins politiques ou économiques.

Quoiqu’il en soit, et en admettant qu’il soit possible de quantifier économiquement l’impact des émissions carbonées, revenons-en au papier de nos trois professeurs.

Critères de durabilité

Ces derniers définissent trois critères de durabilité pour le réseau Bitcoin.

Premièrement, la « tendance des dommages climatiques estimés par BTC extrait ne devrait pas augmenter, à mesure que l’industrie mûrit ». Un critère auquel Bitcoin échoue puisque le coût énergétique du minage d’un BTC augmente au cours du temps.

Deuxièmement, « le prix d’un BTC miné devrait toujours dépasser le coût de ses dommages climatiques estimés ». Ici encore, le BTC échoue puisque sur la période étudiée, ce ne fut le cas que lorsque le BTC se trouvait en plein bull run.

Troisièmement, le coût des dommages climatiques du BTC est comparé à ceux de différentes commodités allant du pétrole à la viande de bœuf. Bitcoin échoue encore, car le coût de ses dommages climatiques est supérieur de 2 % à celui de la viande (bien qu’il reste bien inférieur à celui du charbon, du gaz naturel ou du pétrole). Vous remarquerez l’objectivité et la pertinence scientifique de ce critère.

Critique du modèle

Ce sont bien évidemment les deux premiers critères qui feront frémir d’horreur les anti-Bitcoin. En effet, nos professeurs en déduisent que les dommages climatiques infligés par l’affreux réseau décentralisé continueront d’augmenter !

Pour ce faire, ils s’amusent notamment à faire varier le pourcentage d’énergies renouvelables utilisées par le réseau, jusqu’à 63 %. Ici encore, on ne sait d’où vient ce plafond arbitraire. Il est pourtant évident qu’il soit un jour tout à fait possible de miner de manière 100 % renouvelable, notamment grâce à l’hydro-électricité et à la géothermie. Ces discussions s’arrêteraient donc net.

La discussion porte aussi sur le chiffre largement contesté du SSC (admis dans le rapport). Les 100 $ / t de CO2 sont ainsi ramenés à 50 puis 150. Sans surprise, nous en arrivons à la même conclusion de la part de nos professeurs émérites.

Cependant, ils semblent oublier que le prix du BTC a un impact énorme sur leurs calculs. En cas de bull run et d’un BTC à 100 000 $ avec un hashrate légèrement supérieur, leurs conclusions tombent à l’eau.

Nous passerons évidemment sur la simplification du problème écologique global à une seule variable, le CO2.

Une attaque médiatique synchronisée

Il y a un point plus étonnant avec cette étude. Il s’agit de l’empressement avec lesquels les médias mainstream du monde occidental se sont synchronisés pour reprendre, à l’heure près, ce rapport.

Ce fut notamment relevé par un utilisateur de Twitter sous le regard exaspéré de notre ami Capet :

Bitcoin is bad !

Ce déferlement de dépêches, reprenant le rapport sans recul ou analyse critique, arrive précisément juste après la fameuse étude de Cambridge.

Du côté de nos chers médias français, même son de cloche :

Bitcoin, c’est mal !

N’y voyons qu’une simple coïncidence. Nous pourrions être vus, nous la secte du Bitcoin, comme de fâcheux complotistes. Il n’y a probablement aucun rapport avec l’inflation qui dépasse les deux chiffres en Europe, les déboires de la Bank of England, la volonté de fermer les PEL ou le voyeurisme de Bercy sur les comptes bancaires des Français… Ces problèmes pourraient bien raviver l’intérêt des épargnants à l’égard de Bitcoin.

Notons également la toute-puissance de Google News, dont l’algorithme met en exergue ce type d’articles écrits à la va-vite. Référencement oblige, le pigiste soucieux de voir ses articles remonter en haut de page reprend, sans connaissance technique des sujets évoqués, les dépêches proposées par les agences de presse dominant les flux d’informations.

Bitcoin meurt toujours mais ne se rend jamais

Nous vivons une étrange époque où, contrairement à Bitcoin, le consensus scientifique ne repose plus vraiment sur la preuve de travail. L’argument écologique est une arme puissante, jouant sur la culpabilité, et devenue quasi-imparable. Dans un contexte économique délétère, le monde bancaire a pris la mesure du danger Bitcoin. Un bankrun progressif vers les cryptomonnaies serait en effet bien plus dommageable qu’une ruée vers les DAB, observée en Grèce, au Liban et préconisée par Éric Cantonna. La parade aux poncifs véhiculés par la presse généraliste repose sur les épaules des valeureux mineurs. L’industrie n’a de cesse de se développer et de tendre vers plus d’efficience énergétique, en témoignent les récentes initiatives congolaises ou salvadoriennes. Nul doute que nos banquiers centraux, souhaitant conserver leur pré carré, le privilège de battre monnaie, trouveront de nouveaux vecteurs d’attaque.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.

L’article Coût social et environnemental de Bitcoin, une attaque médiatique synchronisée est apparu en premier sur Journal du Coin.

Voir l'article original